ÉQUIPE
écrit par Cédric Tourbe et Olivia Gomolinski
réalisé par Cédric Tourbe
conseiller : Nicolas Petrov, Memorial
monté par Mathieu Blanc
dessins : Thierry Murat
ÉTALONNAGE : OLIVIER COHEN
MIXAGE : BRUNO LAGOARDE
cartes : Brigade du Titre
musique Pierre DeSchamps
produit par Alexandre Hallier et Jérémy Pouilloux
production : la générale de production
coproduction : Silver Frame
post-production : French Kiss / Pom'Zed
diffusé par ARTE & Telewizja Polska S.A
participation : Procirep, Angoa-Agicoa
région Nouvelle-Aquitaine
région Occitanie
CNC
Histoire d'un crime de masse
Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie attaque la Pologne et met rapidement l’armée polonaise en déroute. Subitement, le 17 septembre, l’armée soviétique envahit à son tour la Pologne par l’Est et fait prisonnier 250.000 soldats polonais déboussolés. Ce coup de poignard dans le dos est le résultat d’un accord secret passé en août 1939 entre Hitler et Staline qui se partagent ainsi la Pologne en deux.
Immédiatement, l’Allemagne met en œuvre sa politique raciale et antisémite dans sa zone d’occupation, tandis que l’Union Soviétique entreprend de soviétiser la sienne. Les soldats faits prisonniers sont séparés des officiers, lesquels sont envoyés en Union Soviétique et parqués dans trois anciens monastères : Kozielsk, Starobielsk et Ostachkov. Ces 15.000 officiers – et membres de l’élite politique et intellectuelle polonaise - sont soumis à un intense travail de rééducation politique. Ils ne sont plus aux mains de l’armée rouge mais du NKVD, la police politique dirigée par Lavrenti Beria. Ils n’ont aucune idée ni de ce qui les attend… ni même de ce qu’est réellement le NKVD.
Le NKVD est le descendant de la Tcheka, la police politique créée par le parti bolchevik dès sa prise du pouvoir. Son objet est de mettre en œuvre par la violence la politique du parti et son mode opératoire, assumé dès l’origine, est de terroriser la population. «Les tchékistes» ont conservé les vieilles habitudes de clandestinité du parti bolchevik et sont tous unis par un véritable culte du secret. Au cours des années 1920, ils exécutent sans pitié tous ceux que le parti désigne comme ennemis «de classe» et soviétisent peu à peu toute l’Union Soviétique. C’est dans cette activité sanglante que s’illustre particulièrement un jeune tchékiste géorgien, Lavrenti Beria, qui devient vite un protégé de celui qui s’apprête à prendre en main le pouvoir : Joseph Staline.
En 1928 Staline charge les tchékistes de mettre en œuvre la soviétisation de toute la paysannerie soviétique, ce qu’on appellera la «collectivisation». Cette collectivisation est particulièrement violente en Ukraine et en Biélorussie car il s’agit de mettre au pas ces populations frontalières en qui Staline n’a pas confiance. Les tchékistes mettent alors en œuvre une politique de famine volontaire dont l’horreur culmine en 1933. Enfermés dans leurs villages et sans moyens de subsistance, les paysans finissent par se manger entre eux. La collectivisation cause trois millions de morts en Ukraine et en Biélorussie, dans le secret le plus absolu : grâce à un intense travail de propagande – qui annonce systématiquement l’inverse de la réalité – le monde entier ignore l’étendue de ce qui se passe en URSS.
Enfin, c’est toute la société soviétique qui est à son tour purgée en 1937. Les tchékistes exécutent 750.000 personnes d’une balle dans la tête selon un mode opératoire très rôdé et encore une fois dans le secret le plus total. Pour éliminer les traces – toujours le culte du secret – les tchékistes en viennent même à s’auto-purger et 14.000 d’entre eux (dont deux anciens chefs du NKVD) sont également exécutés.
Entretemps, Lavrenti Beria a pris les commandes du NKVD.
En 1940 Beria propose à Staline d’exécuter les officiers polonais détenus. Il s’agit d’une décision de routine dans le cadre de la soviétisation de la Pologne et qui ne soulève aucun débat.
22.000 officiers sont alors exécutés secrètement en 1940 selon le mode opératoire habituel et enterrés dans différents charniers. Ce n’est qu’un épisode d’un plan plus vaste car dans le même temps, un million de citoyens polonais sont déportés en URSS.
L’affaire aurait du s’arrêter là.
Mais en 1941, Hitler attaque l’Union Soviétique et la situation est retournée. Staline, en perdition, accepte la main tendue de Churchill. Il fait par la même occasion la paix avec le gouvernement polonais en exil à Londres et les Polonais détenus sont amnistiés. Mais des milliers d’officiers manquent à l’appel. Staline et le NKVD parviennent à noyer le poisson et font tourner en bourrique les Polonais pendant deux ans.
En 1943, c’est au tour de l’Allemagne nazie d’être en perdition après sa défaite à Stalingrad. L’armée allemande, tombée sur le charnier de Katyn, révèle au monde que les officiers polonais disparus ont été exécutés par le NKVD en 1940. Mais personne chez les Alliés ne croit la propagande nazie. Alors que l’URSS rejette le crime sur les nazis, la Pologne réclame une enquête indépendante de la Croix Rouge. Staline se rue habilement sur l’occasion pour déclarer que le gouvernement polonais se range de facto du côté des nazis et rompt ses relations diplomatiques avec lui.
Entretemps, l’enquête sur place conclut sans l’ombre d’un doute au crime soviétique. Churchill et Roosevelt, désormais au courant, décident de garder l’information secrète pour ne pas nuire à leur allié Staline. L’affaire Katyn se retourne alors contre la Pologne, désormais isolée alors que l’Occident est pris d’une véritable «soviétomania» à grand renfort de propagande.
En 1944, l’armée rouge reprend la zone de Katyn et une enquête soviétique, qui aura valeur de vérité officielle, conclut au crime nazi.
Peu de temps après, l’armée rouge libère la Pologne qui n’est plus qu’un champ de ruines, le gouvernement polonais en exil à Londres n’a plus son mot à dire à cause de Katyn et un gouvernement communiste s’installe à Varsovie.
A Yalta en 1945, Staline auréolé de son statut de vainqueur du nazisme annexe officiellement la zone polonaise qu’Hitler lui avait déjà secrètement accordée en 1939. La Pologne a bu la coupe de Katyn jusqu’à la lie.
Pendant 50 ans, la propagande soviétique parviendra efficacement à brouiller les pistes sur Katyn et le doute sur l’origine du crime subsistera.
La vérité n’éclatera qu’en 1990, lorsque l’Union Soviétique reconnaîtra les faits.
Avant de disparaître quelques mois plus tard.